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Interview avec Éva Vatai sur le FTLF

1. Comment était le tout début de cette initiative théâtrale?

 

Poros András, professeur de ELTE Radnóti nous a invités à la rencontre qu’il organisait á Budapest pour les lycées hongrois où le théâtre se faisait en français. Nous avons présenté « Les précieuses ridicules » de Molière. Nous avons constaté qu’une telle rencontre est très difficile à organiser (transports, logement…etc.) dans une grande ville comme Budapest. Ainsi nous avons proposé une nouvelle formule: si on faisait cette rencontre chaque année dans une autre grande ville de province? Pécs voulait bien commencer – puis il n’y avait plus d’autres candidats. Mais à vrai dire – malgré les difficultés – nous étions très contents de pouvoir garder ce festival, car Pécs est une ville idéale pour ce type de rencontre.

 

2. Quels étaient les moments importants de l’histoire de ces 27 années?

 

Il y en avait beaucoup! Quand le festival est devenu international: trois pays – Roumanie, Belgique, France – étaient présents. L’année d’après – en utilisant les expériences de Pécs – les Belges et les Roumains ont monté leur festival de théâtre qui existent depuis.

 

Puis il y avait une année très importante: au moment des conflits des Balkans des Croates, des Serbes et des Slovènes ont présenté leur spectacle à Pécs. Ils avaient peur de rentrer dans leur pays après le festival.

 

Le festival de 2016 est aussi inoubliable pour moi: mes 4 enfants y ont participé ensemble – en tant que metteur en scène, comédienne, comédien, caméraman – et mes amis qui y sont présents depuis le début.

 

Il y avait d’autres moments forts: le lendemain de l’attentat de Madrid, une troupe espagnole pleurait dans la salle….on a demandé un moment de silence pour exprimer notre solidarité. Les jeunes Marocains de Bruxelles n’étaient pas contents, mais ils se sont quand même levés.

 

Un très beau moment que je n’oublierai jamais: Marie-Pierre Watremez a amené à Pécs sa troupe – jeunes délinquante roumaine. Une fillette a fait du jonglage…raté…elle recommence…raté….elle recommence ….réussi.

 

Pour moi cela reste un bel acte symbolique du festival.

 

3. A quel moment le festival est-il devenu international ?

 

Le deuxième festival de Pécs était déjà international. C’était naturel…on se développe. Après l’organisation a pris une ampleur incroyable: au total on peut compter une vingtaine de pays présents à Pécs depuis le début. Il y a des pays qui reviennent chaque année: les Amifrans (Arad), leur participation est aidée par le système de jumelage entre les deux villes. La participation et le grand intérêt de l’Egypte est une nouveauté depuis deux ans.

 

4. Le premier prix est toujours la participation au Festival des festivals. Pourrais-tu expliquer ce que c’est pour ceux qui ne le connaissent pas ?

 

Comme convenu dans la Chartre d’Artdrala  (l’Association du Réseau des festivals de théâtre en langue française) chaque année un Festival des Festivals sera organisé dans un pays (tous les trois ans á La Roche-sur-Yon) C’est un grand festival de 10-12 pays différents, c’est toujours un spectacle qui est délégué par pays.

 

La rencontre se déroule en deux temps: elle est précédée par la réunion des organisateurs des festivals locaux, puis le festival même. Le FDF c’est un FTLF, mais en plus grand. Et son budget est beaucoup plus important: il est subventionné aussi par des organisations internationales. Pécs a organisé deux fois le FDF. Un gros travail d’organisation!

 

5. Qui étaient/qui sont les supporteurs du FTLF ?

 

Cela change un peu chaque année.  Mais il est rassurant d’avoir la liste de ceux qui nous épaulent tous les ans.  L’Institut Français nous aide – tous les ans, sauf un – aussi la Fondation Franco-Hongroise pour la Jeunesse, et aussi la ville de Pécs. Nous avons des sponsors fiables Lafarge, KIE,  AHEF, la Fondation Vasarely….et les parents d’élèves.

 

6. Quel sont les phases de l’organisation ?

 

En août il faut envoyer la première lettre : dans celle-ci on annonce le festival en joignant le règlement. En automne les troupes intéressées s’enregistrent, on entre en contact avec eux pour leur demander le descriptif du spectacle, l’effectif de la troupe….etc. Enfin toutes les infos qui sont nécessaires pour les organisateurs afin que les événements se déroulent bien. J’ai appris une chose très importante dès le début: avant de commencer la „ organisation fine ” il faut assurer „lits pour dormir, salle pour jouer”… le reste peut attendre et se fait pas á pas.

 

A partir du janvier l’organisation s’accélère, les organisateurs doivent penser á tout. Les participants étrangers arrivent la veille du festival: il faut leur trouver des familles d’accueil et attendre leur arrivée, troupe par troupe.

 

7. Quelle est la proportion des pièces des troupes hongroises et étrangères en général ?

 

Selon l’esprit du FTLF il faut que les lycées hongrois habitués puissent revenir chaque année. Ils sont entre 10-14. (Je ne pourrais pas dire á mes élèves: cette année-ci, vous ne participerez pas au FTLF, faute de place. J’imagine leurs pleurs!) Après on laisse la place aux étrangers, 5-6 spectacles d’habitude.

 

8. En tant que metteur en scène, quelles difficultés rencontres-tu quand tes élevés doivent jouer en langue étrangère ?

 

Aucune. Il faut franchir le même pas que pour jouer en hongrois. Aller sur scène et accepter que le public nous regarde. Naturellement pour laisser aller les élèves sur scène, il faut obligatoirement s’occuper de leur prononciation, ce qui  ne figure pas souvent sur la liste d’urgences des profs de français. 

 

9. Tu as beaucoup de fois le premier prix avec ta/tes troupes. Comment tu définirais, quels sont les astuces de la création théâtrale avec les élèves ?

 

La première chose c’est qu’il faut les laisser parler. Souvent leurs problèmes ne sont pas les miens et vice versa les miens ne sont pas les leurs. Mais moi, en tant que metteur en scène je n’ai qu’á les inspirer, leur présenter des formes théâtrales pour pouvoir envelopper ce qu’ils ont á dire d’eux-mêmes et du monde qui les entoure.

 

La deuxième chose, c’est de les motiver sans cesse. Le théâtre est en dehors de leurs cours normaux, ils ont tendance à considérer le théâtre comme un cours de jeu: quand ils ont envie de venir jouer, ils viennent, si non, ils ne se présentent pas. Il faut leur faire comprendre qu’un spectacle présentable c’est le fruit d’une responsabilité collective.

 

10. Pour convaincre les collègues, qu’est-ce que tu dirais pourquoi il est bon de faire du théâtre lycéen ?  

 

Faire du théâtre avec les élèves – en français, en hongrois, ou en autre langue – est un processus basé sur la créativité. Et sur la fraternité. Nous n’avons pas trop de possibilités de se réunir autour de ces valeurs dans notre système d’enseignement actuel. Osez le théâtre pour changer!

 

 Intervieweur: Bagaméri Zsuzsanna

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